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“L’usage du portable est un comportement à risque.”

Danger des portables : ce que les médias ne disent pas

Interview d’Annie Lobé par un journaliste de l’Express.fr, Eric Lecluyse

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“L’usage du portable est
un comportement à risque.”

Six questions à Annie Lobé, éditeur et journaliste.

Pourquoi vous être lancée dans cette enquête sur les dangers du téléphone portable ?

J’ai fait cette enquête pour les gens qui ont des enfants et ne veulent pas les voir tomber gravement malade et mourir avant eux. Et pour ceux qui veulent se donner toutes les chances de rester en vie pour pouvoir les élever et les voir grandir.

En 2000, avant de commencer, l’un des indices qui m’a mis la puce à l’oreille est arrivé par un photographe de publicité qui avait travaillé pour un constructeur de téléphones portables. Au cours d’un dîner chez des amis, il avait dit : “Chez X..., les ingénieurs savent que les portables sont dangereux.”

Je me suis dit que s’il se passait quelque chose de grave avec les téléphones portables, ce serait très grave compte tenu du nombre de personnes exposées.

En tant que journaliste indépendante spécialisée sur les questions environnementales et de santé, il m’a paru important de choisir ce sujet d’enquête pour comprendre ce qui se passe vraiment avec les portables et agir pendant qu’il en est encore temps.

L’Affaire des portables n’est pas comme celle de Tchernobyl en 1986 : que les autorités sanitaires nous aient prévenus de l’accident de la centrale nucléaire dix jours ou dix ans après, le mal était déjà fait dès le mensonge initial selon lequel la France n’avait pas été atteinte par la pollution atmosphérique radioactive. Il s’agissait d’un événement aigu, d’un pic de pollution. Avec les portables, il s’agit de faibles doses d’exposition et les effets se font jour à moyen et long terme.

Il est donc encore temps d’agir pour se protéger efficacement. Et pour l’instant, la seule protection possible est au niveau individuel, puisque les autorités sanitaires font la sourde oreille aux alertes, qu’elles émanent de chercheurs scientifiques ou de victimes, car il y en a déjà.

Il y a quinze jours, j’ai rencontré un jeune de 20 ans qui m’a dit que sa cousine de 24 ans venait d’être opérée d’une tumeur derrière l’oreille droite après trois ans d’utilisation d’un portable. Elle a perdu l’audition de ce côté-là et, pendant un mois après l’opération, elle n’arrivait pas à garder l’équilibre. Or, une étude suédoise publiée en 2004 a montré un doublement de ce type de tumeur, qu’on appelle neurinome du nerf acoustique, après dix ans d’utilisation du portable. Mais il faut savoir que les jeunes de moins de trente ans ont été exclus de cette étude !

Les jeunes de quinze à vingt-cinq ans sont les plus menacés car ils ne se séparent pas de leur portable, le laissent toujours allumé et l’utilisent énormément. J’ai peur que la “génération portable” soit une génération sacrifiée si les parents ne réagissent pas rapidement.

Je donne des raisons et propose des moyens de le faire. À eux de les utiliser maintenant !


“Journaliste d’investigation scientifique”, ce n’est pas un peu pédant ?

De nos jours, les gens n’aiment pas les journalistes parce que cette profession est en crise. La pression publicitaire sur les médias est telle, que les journalistes et les rédacteurs en chef salariés s’autocensurent pour ne pas déplaire aux annonceurs publicitaires. Ils savent que 30 % des journalistes ayant une carte de presse pointent au chômage...

Le budget publicitaire global de SFR et Orange en juin 2006 atteint 53 millions d’euros pour l’année écoulée. À eux deux, ils pèsent plus lourd que L’Oréal, Carrefour et Mercedes réunis. Si vous ajoutez à cela les annonces publicitaires des constructeurs de portable, il n’est pas exagéré de dire que la presse est actuellement “sous perfusion publicitaire” de la téléphonie mobile.

Après avoir fait paraître un article que je lui avais proposé en décembre 2002, le magazine Sciences et Avenir m’a répondu en avril 2004 : “C’est un sujet sensible, nous allons le traiter en interne”. Huit mois plus tard, juste avant les fêtes de fin d’année, il publiait un dossier complet incitant les lecteurs à adopter le wi-fi, l’Internet sans fil, et un banc d’essai sur les téléphones portables de troisième génération UMTS, en évacuant en un petit paragraphe les possibles effets sur la santé des micro-ondes avec lesquelles ces technologies fonctionnent.

Du côté de la télévision, TF1 appartient à Bouygues, qui détient également l’opérateur de téléphonie mobile Bouygues Telecom. Quant à Canal+, il appartient au groupe Vivendi, qui possède aussi SFR. Ce n’est donc pas un hasard si ces deux chaînes n’ont jamais diffusé d’émission sur le danger des portables. Ces groupes florissants ne vont pas se tirer une balle dans le pied...

Les consommateurs avertis devraient en conclure qu’ils doivent chercher l’info ailleurs.

Un journaliste, c’est quelqu’un qui fait des enquêtes, qui réunit des informations pour les rendre facilement accessible au public. Donc, je suis journaliste.

L’investigation scientifique, c’est aller au-delà du discours scientifique dominant, du discours officiel. J’ai lu des centaines d’études et de livres, des milliers de résumés d’études et j’ai conduit des centaines d’interviews pour mener à bien cette enquête. La plupart des chercheurs sont également enseignants. Quand ils sont sincères et ne cherchent pas à cacher ce qu’ils savent, on apprend beaucoup à les écouter.

Un chercheur passionné est passionnant et je regrette qu’on ne leur donne pas plus de temps de parole dans les médias audiovisuels. La connaissance scientifique récente est confinée dans des bases de données en anglais. La société d’aujourd’hui est assise sur une mine d’or de connaissance, mais nous continuons à penser, travailler et soigner en nous basant sur ce que l’on savait déjà il y a vingt ans.

Cela dit, je ne m’attendais pas à devoir consacrer cinq années entières à cette enquête. C’est le temps qu’il a fallu pour comprendre et mettre en forme l’information de façon claire et compréhensible par tous, y compris par les adolescents qui sont les premiers concernés.


Pourquoi avoir créé une maison d’édition indépendante ?

Je voulais être sûre de garder mon indépendance, justement. Avec 52 millions de clients aujourd’hui, qui leur donnaient déjà, chaque mois, 39 euros en moyenne en 2005 (selon leurs propres affirmations), les opérateurs de téléphonie mobile pourraient, s’il le voulaient, acheter tous les exemplaires des livres pour empêcher le public d’y avoir accès. Il paraît que cela s’est déjà produit, mais c’est une information difficile à vérifier.

En diffusant les livres par correspondance et lors des conférences ou des rencontres, je suis sûre qu’ils seront utiles aux lecteurs.


Vous n’êtes pas connue. Ne craignez-vous pas que cela ôte du crédit à vos livres de ne pas être passée par le filtre d’un éditeur connu ?

Dans la presse, il est naturel et fréquent qu’un journaliste qui dirige un journal y publie ses propres papiers. J’ai été surprise de découvrir que dans le milieu de l’édition, cela était mal vu.

Avant de les faire publier par SantéPublique éditions, j’ai fait relire mes manuscrits par des professionnels compétents dans le domaine des champs électromagnétiques.

Le docteur Geneviève Barbier et Robert Masson, qui ont signé respectivement la préface du premier et du deuxième livre, sont des personnalités reconnues.

Geneviève Barbier a vendu 16 000 exemplaires de son livre La société cancérigène publié par l’une des plus importantes maisons d’édition de la place de Paris, les éditions de La Martinière. Quant à Robert Masson, il exerce la naturopathie depuis plus de 50 ans et est également l’auteur de plusieurs livres chez des éditeurs bien établis. Une partie du public “bio” le connaît bien.

L’estime réciproque que nous nous portons est une garantie de sérieux pour le travail que je présente.


Quelles sont les réactions des lecteurs ?

Ils disent que la lecture est “souple” ou que c’est le genre de livre qu’ils pourraient lire d’une traite, sans s’arrêter. Même des ados qui ne lisent jamais trouvent facile la lecture de celui qui leur est consacré, Les jeunes et le portable: Alzheimer à 35 ans ?. Tout le monde trouve les livres faciles à lire, même ceux qui ont des problèmes de vue, car les caractères sont gros et les lignes assez espacées.

Ceux qui tirent parti des conseils délivrés dans Téléphone portable : comment se protéger sont ravis : ils disent que ce livre est un investissement rentable. Au niveau professionnel, un chef d’entreprise m’a dit : “J’ai retrouvé la maîtrise de mon temps”.

Ce qui me fait plaisir, c’est que les lecteurs sont vraiment gagnants sur tous les tableaux.

Pour qu’un jeune modifie son comportement à l’égard du portable, il est préférable que le livre soit également lu par ses parents et fasse l’objet d’une discussion avec eux. Ainsi une ado de 15 ans, qui a lu le livre au début de ses vacances et en a parlé avec ses parents qui l’avaient également lu tous les deux, a complètement arrêté le portable pendant ses quinze jours avec eux, au terme desquels elle a fait cette remarque étonnante : “J’ai réappris à vivre”. Son père en a tiré la conclusion suivante : “Les jeunes se rendent compte qu’ils sont dépendants de leur portable et ils n’ont pas forcément envie d’être dépendants de quoi que ce soit.”


À l’opposé, une jeune fille de 19 ans, qui vit seule avec une mère toujours absente avec laquelle elle n’a pas abordé le sujet, m’a dit après avoir lu Les jeunes et le portable : “Ce livre est bien, mais je ne vais pas changer mes habitudes pour autant. Il faudrait pour cela que je tombe moi-même malade et qu’un médecin me dise de le faire.” (Mise à jour juillet 2007 : cette jeune fille a été récemment opérée d’une tumeur bénigne, ce qui lui a valu un arrêt maladie de trois mois. Mais elle n’a toujours pas arrêté le portable parce que les médecins en qui elle a confiance (“Ils m’ont sauvée !”) ne lui ont pas dit d’arrêter le portable…).

Aussi j’invite les parents à utiliser ce livre comme base de discussion avec leurs enfants, même s’ils se sentent pour l’instant dépassés par la déferlante des portables. Et ce, quel que soit l’âge de leurs enfants. Même à 25 ou 30 ans, seuls ceux qui ont des relations vraiment très conflictuelles avec leurs parents sont totalement imperméables à leurs conseils. Les jeunes ont besoin de sentir que leurs parents tiennent à eux pour arrêter de se mettre en danger par des comportements à risque. Et l’usage du portable est un comportement à risque de plus pour la jeunesse.

Certains lecteurs qui achètent les livres me disent qu’ils ont déjà des effets physiques. Ils les attribuent à leur portable parce la réaction est immédiate et systématique : sensation de chaleur, de brûlure, douleur à l’oreille ou au visage, maux de tête après les communications. Une partie de la population est déjà devenue allergique au portable !

Il y a aussi des gens qui ne veulent pas acheter les livres en avançant des arguments tels que : “Je ne suis pas inquiet”, “Je ne veux pas savoir”, “Si on savait tout, on ne vivrait plus”, “De toutes façons, il y a des ondes partout, on n’y peut rien”, “J’en sais déjà assez sur les dangers du portable”, “On ne peut pas lutter contre, on ne va pas revenir en arrière”, “Je n’ai pas envie d’arrêter le portable”, “J’ai d’autres soucis à régler”, “Je n’ai pas d’argent en ce moment”, “Vos livres sont trop chers”, “On trouve toute l’information gratuitement sur Internet”,“Si mon fils n’a pas de portable, il va être isolé”, “Alzheimer à 35 ans, il ne faut pas exagérer !”, “De toutes façons, on est trop nombreux sur terre”,“Il faut bien mourir de quelque chose”, et autres remarques de ce genre.

Que répondez-vous à ces objections ?

Chacun est libre de faire ce qu’il veut avec son cerveau, avec ses cellules, et même avec ses propres enfants. Mais tout le monde a droit à une information indépendante.

Mon but est de donner à ceux qui veulent vivre et qui aiment la vie des moyens d’en profiter le mieux et le plus longtemps possible, sans connaître la douleur de perdre des personnes qu’ils aiment.

Nous sommes déjà “attaqués” de tous côtés par la pollution de l’air, les programmes de télévision violents, l’actualité mondiale déprimante, l’alimentation industrielle bourrée d’additifs et les produits chimiques en tous genres qui sont ajoutés à notre insu dans nos produits de consommation courante (voir la rubrique Alertes conso).

Avec les faibles doses, la source de pollution la plus néfaste est celle qui est la plus proche et à laquelle on est exposé le plus longtemps. En ce sens, le téléphone portable de chacun est la plus grande source de pollution électromagnétique pour lui. Le pire, c’est qu’il s’auto-pollue volontairement, en payant lui-même la facture ! Quand on offre un portable ou quand on appelle quelqu’un sur son mobile, on lui “administre” cette pollution. Et ceux qu’on appelle le plus souvent et le plus longtemps, ce sont des proches ou des gens qu’on connaît. “Ne quitte pas, je te passe Alzheimer...”

Si vous ne voulez pas utiliser un téléphone portable, personne ne peut vous y obliger. C’est vous qui décidez de l’allumer ou de l’éteindre. Même au niveau professionnel, je connais des commerciaux qui réussissent sans téléphone portable. C’est une question d’organisation. Comment faisait-on avant ?

La question du prix des livres est importante. Avec les journaux gratuits et l’Internet, nous avons perdu l’habitude de payer l’information. Nous oublions que tout se paie et que si l’information nous parvient gratuitement, c’est que quelqu’un d’autre a payé à notre place.

Lorsqu’elle n’est pas entièrement payée par le lecteur, l’information n’est pas indépendante. Elle peut être manipulée ou servir de support à de la publicité dissimulée. Avez-vous remarqué comment dans certains magazines, il est de plus en plus difficile de distinguer l’info de la pub ? Tout est présenté de la même façon et les articles “conso” s’étalent sur des pages entières pour nous inciter à acheter tel ou tel produit. Photos, mise en page et impression couleur, tout cela a un prix. Si le lecteur ne paye pas, c’est l’annonceur publicitaire qui le fait, mais il est alors en position de contrôle.

Internet a été l’une des sources d’information que j’ai utilisées, mais ce n’est pas la seule. Une information ne peut vous arriver par Internet que si quelqu’un l’a mise en ligne et l’a faite référencer par les moteurs de recherche. Pour s’y retrouver dans la jungle de ces millions de pages, il faut vraiment y consacrer du temps. On est vite noyé. Comment hiérarchiser l’information, ne retenir que la plus pertinente, vérifier la fiabilité des sources ? De plus, toutes les études sur les champs électromagnétiques accessibles par l’Internet sont en anglais, dans un jargon médico-scientifique pas toujours simple à comprendre.

Et contrairement aux idées reçues, la recherche sur Internet n’est pas gratuite. Il faut disposer d’un ordinateur et d’une connexion. Combien de livres pouvez-vous acheter pour le prix d’un ordinateur et d’un abonnement mensuel à 30 euros minimum, que vous payez même pendant que vous ne l’utilisez pas ?

Cinq ans d’enquête condensés en une heure de lecture à 10 euros pour Les jeunes et le portable et en deux heures de lecture à 17 euros pour Comment se protéger, ce n’est pas si cher que cela. Si une personne estime que son cerveau et celui de ses enfants ne valent pas ce prix-là...

J’ai rencontré la semaine dernière sur un marché bio une jeune femme de 30 ans qui m’a dit qu’elle n’avait pas d’argent. Ni pour acheter un livre, ni même pour acheter à manger. Elle était au chômage depuis deux mois. Quand je lui ai demandé combien lui coûtait son abonnement au portable, elle a répondu : “De moins en moins. J’ai un forfait de 6 heures à 70 euros, mais comme je n’utilise que 4 heures, le crédit de temps est reporté au mois suivant.” J’ai été sidérée. Elle avait l’impression de dépenser moins, mais concrètement, elle consacrait bien 70 euros par mois à son portable. Pendant combien de jours aurait-elle pu manger pour cette somme ?

Dépenser son argent, même si on en a peu, c’est choisir de privilégier telle ou telle forme d’économie. Mes livres sont imprimés en France, cela contribue à faire vivre des familles qui ont le même niveau de vie que les lecteurs et cela réduit le transport. C’est une forme de commerce à la fois équitable et écologique.

Cela dit, il est vrai que les temps sont durs pour beaucoup de gens. Rien n’empêche ceux qui veulent des informations de se grouper pour acheter un livre et le faire circuler. Il est interdit de “photocopiller” un livre, mais rien ne limite le nombre de lecteurs pour un exemplaire imprimé. On peut aussi grouper les commandes avec ses amis ou ses proches pour économiser les frais de port. Surmonter la crise, c’est aussi adopter des comportements solidaires.

L’Alzheimer ultra-précoce pour les jeunes utilisateurs est la conclusion du seul scientifique qui a cherché à savoir ce qui se passe dans le cerveau des adolescents exposés aux ondes des portables. Quant aux personnes qui sont aujourd’hui atteintes par la maladie d’Alzheimer sans avoir jamais utilisé cet appareil, combien de temps ont-elles passé dans les champs électromagnétiques de leur télévision allumée ? Avec mes instruments de mesure, j’ai mis en évidence que la pollution électromagnétique des écrans à tube cathodique s’étend sur une dizaine de mètres autour : devant, mais aussi derrière et sur les côtés, à travers les murs.


Ne pas être inquiet n’empêche pas de mourir jeune. Peu de gens connaissent les statistiques officielles du Haut Comité de la santé publique : en France, un homme sur trois qui meurt aujourd’hui a moins de 65 ans, et une femme sur six. Cela s’appelle la "mortalité prématurée". Il suffit de regarder autour de soi pour savoir que c’est vrai. L’équivalent de la population d’une ville comme Orléans, 110 000 personnes, disparaît ainsi chaque année avant l’âge de 65 ans.

Les femmes sont doublement concernées, puisqu’elles se retrouvent veuves à un âge où il n’est pas si facile de reconstruire sa vie, avec toutes les difficultés financières que cela implique. Sans compter que les maladies qui précèdent la mort sont douloureuses. Pour les proches comme pour le malade, elles sont vécues comme une véritable torture physique et psychologique.

Il ne faut pas se laisser berner par les bons taux de guérison qu’affichent certaines maladies graves lorsqu’elles sont soignées à temps. Lorsqu’on guérit d’un cancer ou qu’on survit à un infarctus, qui connaît la durée moyenne de survie “après” ? J’ai été étonnée des chiffres que j’ai trouvés dans un livre de pharmacologie. Par exemple, après une leucémie chez l’enfant, c’est 4 ans seulement. Bien sûr, les moyennes n’ont que peu de signification au niveau de chaque individu. Et si les médecins ne le disent pas, c’est peut-être pour ne pas affoler les gens. Mais cela fait que certaines personnes recommencent à fumer, à boire et à manger n’importe quoi, même après avoir vu la mort en face. Comme si leur instinct de survie était resté sur la table d’opération.

Quand je réponds à ceux qui s’inquiètent de la surpopulation mondiale qu’ils peuvent commencer à régler le problème en achetant un cercueil et en se mettant dedans tout de suite, ils apprécient moyennement mon humour. Ils préfèrent que ce soient les autres qui disparaissent.

Le téléphone portable est “pratique”, certes, mais il n’est pas “utile”. N’est-ce pas absurde de se laisser détruire à petit feu par des objets de consommation, comme s’il était impossible de trouver notre plaisir ailleurs ?

Je le répète : je veux seulement que les gens qui s’aiment continuent à s’aimer le plus longtemps possible.

Après tout, on est bien sur cette belle planète, n’est-ce pas ?

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Danger des portables :
Ce que les médias ne disent pas

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Six questions à Annie Lobé, journaliste scientifique.
4 juillet 2008.

Les médias ont largement couvert le sujet des portables depuis quelques mois. Qu’en pensez-vous ?

En effet, chaque semaine, un journal traite le sujet. Mais en lisant les articles, je me suis rendu compte qu’ils ne disent pas l’essentiel. Contrairement aux apparences, les opérateurs de téléphonie mobile et les constructeurs de portables doivent se réjouir car les articles concluent que “Pour l’instant, rien n’est prouvé”. Si rien n’est prouvé, pourquoi changer ses habitudes ? Rien ne motive les lecteurs à suivre les recommandations simplistes fournies par les articles, dont certaines sont d’ailleurs de fausses solutions “pompées” sur Internet sans avoir été vérifiées.

L’idée que le portable est dangereux fait son chemin sans que cela ne diminue la consommation. Il se produit insidieusement le même phénomène que pour le tabagisme. Au lieu de protéger les consommateurs, les industriels, avec la complicité des pouvoirs publics et des médias, sont en train d’opérer un transfert de responsabilité vers leurs clients. Dangereux, le portable ? “Je sais”, répondent désormais de nombreux utilisateurs, y compris des femmes enceintes, qui continuent de garder le portable en veille en permanence dans la poche ou dans le sac, à côté de la tête de leurs enfants et de leurs propres centres vitaux que sont le cœur et les organes génitaux.

Approuvez-vous le conseil donné par la ministre de la Santé Roselyne Bachelot : “Pas de portable avant l’entrée au collège” ?

Si les parents suivent ce conseil en équipant leurs enfants dès le collège, ces derniers courent le risque de devenir dépendants du portable. Donner un portable à un jeune de 11 à 25 ans, c’est l’inviter dans le cercle vicieux de la dépendance parce que son cerveau n’a pas encore atteint la maturité. Si le cerveau se forme et se développe dans un contexte de dépendance, elle devient permanente. Je ne compte plus le nombre de jeunes qui m’ont affirmé sans rire : “Je ne peux pas vivre sans mon portable.” Certains parents n’imaginent pas à quel point leurs enfants sont accros. Une jeune fille m’a avoué qu’elle dormait avec son portable en veille sous l’oreiller alors que sa mère est persuadée qu’il est éteint la nuit.

Le problème, c’est que la proximité permanente d’un portable en veille est tout sauf anodine. Des professeurs de lycée m’ont dit qu’ils devaient demander aux élèves d’éteindre leur portable pour pouvoir faire fonctionner un magnétophone : 25 à 30 portables en veille dans une salle de classe empêchent le fonctionnement de cet appareil. Les émissions électromagnétiques des portables en veille ne sont donc pas négligeables. Et les professeurs sont atterrés de constater que leurs élèves, à 16 ans, ont une capacité de concentration aussi courte que des enfants de 8 ans (20 minutes).

En Italie, le ministre de l’Éducation a interdit en mars 2007 l’introduction des portables dans tous les établissements par les élèves. En France, cette décision est laissée à la responsabilité du Chef d’établissement, qui bien souvent n’est pas en mesure de la faire respecter. L’un des effets archi-prouvés du portable dans la poche est de diminuer le nombre et la mobilité des spermatozoïdes. Si des mesures énergiques ne sont pas prises pour protéger la jeunesse, la “génération portable” sera une génération d’impuissants stériles.

Autre problème : les maladies neuro-dégénératives précoces pronostiquées par le seul chercheur à avoir mené une étude sur les effets de l’exposition au portable de cerveaux d’adolescents, Leif Salford, de l’université de Lund en Suède. Ses résultats sont présentés dans le livre Les jeunes et le portable : Alzheimer à 35 ans ? : selon lui, cette génération d’utilisateurs subira de telles maladies et un vieillissement prématuré.

Quant au professeur Pierre Aubineau, du CNRS de Bordeaux, il a montré que les portables endommagent les vaisseaux sanguins cérébraux, qui deviennent en quelque sorte poreux et laissent entrer dans le cerveau des substances toxiques. Un phénomène appelé ouverture de la barrière sang-cerveau. Parmi ces éléments toxiques, il peut y avoir des virus qui provoquent une méningite. Il suffit d’avoir rencontré une fois un enfant de 12 ans coincé dans un fauteuil roulant, les yeux dans le vague et totalement incapable de parler parce qu’il a eu une méningite à l’âge de 2 ans, pour savoir qu’une ouverture de la barrière sang-cerveau peut avoir des répercussions dramatiques.

L’émission Envoyé spécial diffusée le 8 mai 2008 et consacrée aux risques du portable pour les jeunes se terminait sur le cas douloureux de Clémence, atteinte à 15 ans d’une tumeur au cerveau, et qui laissait depuis trois ans son portable en veille sous l’oreiller. La responsabilité du portable est fortement suspectée par son père et par elle-même, en dépit du silence des médecins.

Les conséquences de l’utilisation du portable par les jeunes sont trop graves pour que l’on se contente de ce conseil d’attendre l’âge de 11 ans, 12 ans ou même 15 ans pour équiper un jeune d’un portable. Cette recommandation ne protège pas. Je peux dire que si les parents savaient 10 % de la vérité sur les portables, il ne voudraient pas et ne pourraient pas laisser leurs enfants les utiliser. Et si les jeunes étaient informés en temps utile, ils n’auraient pas envie d’avoir un portable.

Et le conseil de choisir un portable avec un faible DAS ?

C’est-à-dire d’acheter un nouveau portable ? Les constructeurs et les opérateurs doivent aimer cette suggestion ! La mesure du DAS, débit d’absorption spécifique, est censée donner une indication de l’énergie absorbée par le cerveau et par le corps pendant l’utilisation du portable. En 2002, à l’occasion d’un reportage pour France 2, j’ai pu voir le dispositif de mesure du DAS chez Supélec, l’École Supérieure d’Électricité, basée à Gif-sur-Yvette dans l’Essonne. Il s’agit d’une bassine en plastique (chez Supélec elle est noire, chez Sagem elle est blanche, d’après le récent reportage d’Envoyé Spécial mentionné plus haut) moulée en forme de demi-tête humaine couchée et remplie d’eau déminéralisée. Après avoir plaqué le portable à pleine puissance sous ce qui figure l’oreille, on descend dans l’eau une sonde de température. C’est donc ainsi, en plongeant un thermomètre dans une bassine d’eau, que des ingénieurs prétendent quantifier l’absorption des ondes par le cerveau humain. Qui commande la mesure du DAS ? Un constructeur ou un opérateur. Qui reçoit le résultat ? Le même constructeur ou opérateur. Qui communique le résultat au public ? Toujours le même constructeur ou opérateur. Il n’y a aucun contrôle extérieur indépendant.

Quand je réalise des tests de portables pendant les conférences, avec des instruments de mesure, il arrive souvent que des utilisateurs soient surpris de constater les fortes émissions de leur portable, pourtant choisi “parce qu’il a un faible DAS”. Il est exact que tous les portables n’émettent pas à la même puissance. Mais si les constructeurs savent fabriquer des portables qui émettent moins que d’autres, pourquoi ne commercialisent-ils pas exclusivement ces modèles ?

Vous avez mis en ligne un test sur l’exposition aux ondes. Mais les symptômes cités peuvent être rapportés à d’autres causes que les portables…

Ce test est construit à partir du questionnaire d’enquête du professeur Roger Santini, de l’INSA de Lyon, qui a publié plusieurs études sur l’état de santé des riverains d’antennes-relais de téléphonie mobile. Sur une cinquantaine de personnes aux styles de vie différents, ce test a montré que le nombre de symptômes est systématiquement corrélé avec l’exposition électromagnétique globale, incluant les appareils électriques. Et ce, quel que soit l’âge. Si vous n’y croyez pas, proposez à une dizaine de personnes autour de vous de faire ce test. Vous pourrez juger par vous-même.

Alors, que peut-on faire pour se protéger ?

Mettre en pratique les conseils donnés dans mes livres. Je reçois des lettres de lecteurs et de lectrices qui l’ont fait, y compris des journalistes qui n’ont pas publié d’article sur la question… Quant à ceux qui publient des articles, ils interviewent toujours les mêmes personnes. Voilà bientôt six mois que ressort en boucle l’étude du professeur Gérard Ledoigt sur les tomates, comme si c’était la seule étude montrant la nocivité des portables.

Si vous analysez le discours des opposants aux antennes-relais auxquels les médias donnent la parole, vous vous apercevrez qu’ils ne sont pas contre la téléphonie mobile. Ils disent qu’elle pourrait être compatible avec la santé humaine et préconisent d’augmenter le nombre d’antennes-relais pour en diminuer la puissance. Cette position démontre une méconnaissance totale du fonctionnement technologique de la téléphonie mobile, basé sur le “contrôle dynamique de puissance”.

La portée des micro-ondes émises par une antenne est de vingt à trente kilomètres. Elles traversent les murs et se réfléchissent sur les éléments métalliques. En ville, ce n’est pas parce que les opérateurs installent des antennes tous les 300 mètres que les micro-ondes s’arrêtent à 300 mètres. Plus il y a d’antennes, plus nous sommes tous soumis, nuit et jour, à un grand nombre de fréquences différentes. Chaque antenne ne peut acheminer qu’un nombre limité de communications. Donc, plus il y a de portables en circulation, plus le nombre d’antennes augmente car elles sont indispensables à leur fonctionnement. Et plus il y a de portables en veille ou en communication dans un lieu donné, plus la puissance d’émission des antennes augmente. J’ai constaté, sur un marché dominical en plein Paris, que le niveau ambiant de micro-ondes est nettement plus élevé vers midi, lorsque le marché bat son plein et que le nombre de portables est important.

Il faut que les personnes malades à cause des antennes sachent que leur propre téléphone portable, si elles en ont un, “active” ces antennes en permanence, et que les effets des différents types d’ondes sont cumulatifs : wi-fi, téléphone sans fil d’intérieur DECT, souris et clavier sans fil, télévision, ordinateur, radioréveil, etc.

Et il faut aussi que ceux qui font usage d’un téléphone portable sachent que des gens sont malades et meurent sous les antennes et en face d’elles. La gravité des troubles est corrélée avec la proximité, mais aussi avec la durée d’exposition. Ceux qui restent chez eux toute la journée sont plus touchés que ceux qui travaillent à l’extérieur. Et si ces derniers sont aussi exposés sur leur lieu de travail, ils manifestent également des troubles.

Préconisez-vous l’arrêt du portable ?

Après avoir recueilli des centaines de témoignages et lu des milliers d’études, je partage le point de vue du professeur Olle Johansson, de l’Institut Karolinska à Stockholm : “Nous en savons déjà assez pour tout arrêter.”

Si l’on se réfère au cas de l’amiante, son usage “raisonné” a été l’argument mis en avant par des chercheurs payés par l’industrie pour retarder de vingt ans son interdiction en France, avec les conséquences que l’on sait : des dizaines de milliers de victimes mortes dans d’atroces souffrances. Mais le délai avant l’apparition des maladies mortelles était de plusieurs dizaines d’années et les personnes exposées étaient des professionnels adultes.

Dans le cas de la téléphonie mobile, les bébés in utero sont exposés aux portables de leurs parents car les micro-ondes traversent la peau, les écoliers sont soumis aux antennes-relais, car la quasi-totalité des écoles maternelles et primaires ont des antennes-relais à moins de 300 mètres, et les adolescents ont le portable dans la poche en permanence.

Les antennes-relais ne sont pas implantées que sur les toits des habitations. Elles sont aussi sur les toits des hôpitaux, sur les quais des stations de métro et de RER, le long des routes et des autoroutes, sur les plages et sur les flancs de montagnes. Dans les véhicules particuliers et les transports en commun, les micro-ondes émises par les portables des usagers se réfléchissent sur les parois métalliques. C’est pourquoi la chaleur, aux heures de pointe, y est de plus en plus difficile à supporter. La téléphonie mobile passe partout. Personne n’est à l’abri. Et l’hécatombe a déjà commencé.

Cancérologues en exercice, cardiologues, oto-rhino-laryngologistes, neurochirurgiens : une partie du milieu médical et hospitalier observe et constate, mais… oublie de publier ces cas dans des revues scientifiques. Les opérateurs de téléphonie mobile savent que les gens sont malades car ils ont déjà reçu des milliers de lettres. Quant à ceux qui travaillent pour eux, si certains trouvent normal de gagner leur vie en prenant celle des autres, il y en a aussi qui ont claqué la porte, complètement dégoûtés par ce qu’ils ont vu.

Pour une personne touchée qui identifie la cause de ses maux, combien d’autres sont malades des ondes à leur insu ? Combien sont décédées des suites de leurs maladies : cancer, infarctus, accident vasculaire cérébral, dépression… Ces maladies causées ou aggravées par notre exposition de plusieurs décennies aux appareils électriques ont déjà fait un grand nombre de victimes. Avec les appareils sans fil, elles nous tuent de plus en plus jeunes.

Si nous n’arrêtons pas le portable, c’est lui qui nous arrêtera.

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Interview d’Annie Lobé par un journaliste de l’Express.fr, Eric Lecluyse
Le 26 octobre 2009, mise en ligne le 25 décembre 2012 (1 h 17 min)
après la polémique qui a suivi la diffusion massive en mai-juin 2009 de la vidéo sur les ampoules basse consommation. Aucune trace de cette interview, qui comporte aussi des révélations issues de son enquête sur les téléphones portables, dans les articles de ce journaliste... Devinez pourquoi ?

 

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À écouter maintenant pour être sûr de ne pas le regretter plus tard ...

Les jeunes et le portable : Alzheimer à 35 ans ?

Ce livre audio s’adresse aux jeunes de 11 à 25 ans et à leurs parents et grands-parents. Son écoute est suivie d’effet : le changement des habitudes d’usage du portable par les jeunes, à bref ou moyen terme. Il circule beaucoup dans le réseau des amis, camarades de classe, cousins, cousines. Tous les jeunes de votre famille et leurs amis sont protégés !


Téléphone portable : comment se protéger

Les téléphones portables, le wi-fi, les téléphones DECT, les baby phones émettent non stop des micro-ondes pulsées qui traversent la peau et les murs à la vitesse de la lumière, et ont pour cibles le système reproducteur (stérilité) et le système nerveux central (insomnie, maux de tête, troubles de la mémoire...). Grâce à ce livre, vous saurez comment vous protéger vraiment sans vous laisser abuser par les pseudo conseils circulant sur Internet et dans la presse, sous perfusion publicitaire des opérateurs de téléphonie mobile ou de vendeurs de patchs totalement inefficaces. Durée de lecture : environ 2h30.

Dossier « Téléphonie mobile »

Pour celles et ceux qui n’ont pas accès à Internet ou savent qu’il vaut mieux éviter de rester devant un ordinateur ont été réunis dans ce dossier les articles, interviews, éditos, communiqués et documents en ligne sur ce site. Ce dossier évolue avec les mises à jour effectuées sur le site.
Actuellement, version du 8 octobre 2013, 134 pages.





 

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