Interview des candidats
à la présidentielle 2012
sur le nucléaire

Interview vidéo de Nicolas Hulot et
Stéphane Lhomme

Par Annie Lobé, journaliste scientifique.
Le 29 mai 2011.

Nicolas Hulot et Stéphane Lhomme, candidats aux primaires d’Europe Ecologie – Les Verts,  ont répondu à mes questions au cours d’une conférence de presse organisée par la députée européenne Michèle Rivasi, fondatrice de la Criirad, au cours des États Généraux du nucléaire qu’elle a réunis le 21 mai 2011 à Paris.

 

Interview de Nicolas Hulot et Stéphane Lhomme

 

En savoir plus sur Stéphane Lhomme :

Son dossier du 12 mai 2011 : Sécheresse : fort risque de black-out nucléaire cet été

http://www.observatoire-du-nucleaire.org

http://stephanelhomme.free.fr/

Son livre paru en juin 2006 aux éditions Yves Michel : L’insécurité nucléaire, bientôt un Tchernobyl en France ?, un livre à la fois informatif et plein d’humour

 

Pourquoi ai-je interrogé avec autant d’insistance Nicolas Hulot au sujet des ampoules basse consommation ?

Parce qu’en 2005, il a été le premier à nous inciter à les acheter. Un livret vert édité par sa Fondation était distribué aux caisses des supermarchés Leclerc, alors partenaire de sa Fondation. Il contenait, parmi d’autres conseils pour sauver la planète, tels que “prendre une douche plutôt qu’un bain”, la suggestion de “remplacer les ampoules à incandescence par des ampoules basse consommation fluocompactes”.

Nicolas Hulot a donc précédé tous les “écolos” qui ont promu ces ampoules toxiques dans la société française (bientôt suivi par Greenpeace et le WWF). Ce conseil ne lui a-t-il pas été soufflé par EDF, qui finance sa fondation depuis l’origine et qui est le véritable instigateur du recours massif et obligatoire à ces ampoules ?

Depuis les révélations des graves inconvénients qu’elles comportent (en 2007 par le Criirem au sujet des radiofréquences, en 2009 concernant les champs magnétiques et le mercure) Nicolas Hulot n’a pas indiqué publiquement qu’il changeait d’avis à leur propos ni qu’il en déconseillait l’usage.

Bien au contraire, sur son site Internet, il continue de promouvoir leur usage dès la première page de sa rubrique “Adopter les éco-gestes

A-t-il équipé de ces ampoules ses villas corses et bretonnes, où vivent sa femme et ses enfants ? Les a-t-il enlevées pour les protéger ? Si oui, à quelle date ? Je regrette de ne pas lui avoir posé ces questions.

Après que j’ai éteint la caméra, Nicolas Hulot est revenu vers moi. Je lui ai remis mon dossier sur les ampoules basse consommation, en lui demandant de me faire part de son avis quand il en aurait pris connaissance (j’attends de ses nouvelles avec impatience). Il m’a demandé : « Est-ce que vous m’autorisez à évoluer ? » Je lui ai répondu : « Je souhaite que vous évoluiez ! »

En effet, son comportement face au pdg d’EDF Henri Proglio en mars 2011 est un signe de grande dépendance à l’égard de cette entreprise qui porte pourtant désormais la responsabilité de trois menaces majeures sur notre avenir collectif : persister à rendre la France otage de son électricité nucléaire malgré la catastrophe de Fukushima, être le premier producteur français de champs électromagnétiques sans avoir rien fait pour minimiser leurs effets depuis qu’ils ont été reconnus “cancérogènes possibles” par l’OMS en 2001 et avoir réussi à rendre quasi obligatoires des ampoules toxiques après que leur dangerosité ait été publiquement révélée.

Après ce premier contact direct avec « le plus fortuné des écolos », m’interrogeant sur la nature réelle de son engagement en faveur de l’écologie compte tenu de sa promiscuité ancienne et actuelle avec les grandes entreprises françaises dont l’impact en termes de pollutions est des plus grands (Rhône-Poulenc –1er chimiste français–, EDF –nucléariste, émetteur de champs électromagnétiques et promoteur des ampoules basse consommation–, l’Oréal –3 milliards de produits contenant des composés toxiques vendus en un an dans le monde entier, chiffres 2001–, TF1 –vendeur de “temps de cerveau disponible” à Coca Cola et consorts, selon son pdg en 2004, voir La fée électricité, p. 238– et Bouygues Telecom, opérateur de téléphonie mobile, appartenant au groupe Bouygues, constructeur de centrales nucléaires), choisies pour partenaires de son émission télévisée Ushuaia sur TF1, puis de sa Fondation (FNH), j’ai entrepris la lecture de la biographie de Nicolas Hulot publiée par Bérengère Bonte, Sain Nicolas (Éditions du moment, mai 2010).

Voici un extrait concernant ses relations avec des chefs d’entreprise, qu’ils soient ou non mécènes de sa Fondation (p. 201-203) :

« Deux hommes en maillot de bain à la Pointe du Décollé à la fin des années deux mille. À Saint-Lunaire, c’est la fameuse plage des Loden-Lacoste [Nicolas Hulot y possède sa maison bretonne]. Nicolas Hulot et l’un des responsables de la recherche d’EDF barbotent en papotant. Mer froide, mais sujet chaud : l’avenir du nucléaire. EDF est une amie de la famille, partenaire de la Fondation depuis le début : 450 000 euros lâchés chaque année. C’est l’un des quatre principaux mécènes avec TF1, l’Oréal et les hôtels Ibis. Mais entre les deux baigneurs, la rencontre est beaucoup plus ancienne. Ils se fréquentaient déjà enfants. En 2005, quand il achète sa maison à Saint-Lunaire, l’écologiste découvre qu’ils sont voisins et qu’ils ont un sujet de discussion en commun. Désormais, les pieds dans l’eau, on ne parle pas nanas ou planches à voile, mais atome, uranium, neutron rapide et enfouissement de déchets.

Le nucléaire, c’est bien pour éviter les gaz à effet de serre, dit Hulot dans un mouvement de brasse. Mais tant qu’on ne saura pas quoi faire des déchets, je ne serai pas à l’aise.

 

[commentaire : ne sait-il pas que le nucléaire génère en grandes quantités l’un des gaz à effet de serre : la vapeur d’eau ?]

 

Bientôt, ce sera réglé, ça ! lui répond le dirigeant d’EDF. Avec la quatrième génération de réacteur, on recyclera le combustible usagé.

Mouais, au siècle prochain peut-être. Mais on ne peut pas attendre jusque-là.

Mais non, c’est pour dans vingt ans ! Je t’assure. En plus, on fera des plus petites centrales. Et au final, si on réutilise tout : plus de pénurie de carburant ! et plus besoin de se demander où on va stocker les déchets.

À force de baignades, de discussions, de déplacements aussi – EDF lui fait visiter le centre de recherche de Cadarache et plusieurs centrales –, Hulot se laisse convaincre.

Il a mis du temps à l’assumer mais avec les patrons le contact est facile. (…)

Cette familiarité avec les chefs d’entreprise vaut de l’or quand on cherche des soutiens financiers ou matériels. Au moment de trouver des partenaires pour son film, le producteur Éric Altmayer, le laisse donc parfois opérer. “Le DG de l’Oréal, c’est un ami de Nicolas, je ne m’en suis pas occupé”, confie-t-il. Même chose à la Fondation (FNH). Annabelle Jaeger qui pilote les recherches de partenaires jusqu’en 2009 sait que, avec certaines sociétés, Nicolas discute directement avec le patron. C’est le cas pour JCDecaux qui met à disposition de la FNH des espaces publicitaires – on appelle ça un “partenariat de compétence”. Hulot voit épisodiquement Jean-Charles Decaux, le fils du fondateur.

 

[commentaire : s’il est élu, le candidat Hulot n’aura-t-il pas des scrupules à interdire les panneaux publicitaires électriques de son ami Decaux pour réduire les gaspillages, comme le suggère Stéphane Lhomme ?]

 

Il faut dire que depuis la fin des années soixante-dix, il a eu l’occasion de se roder. À l’époque, chercher des sponsors est même son activité principale. Un pôle Nord en ULM : un million de francs (150 000 euros), merci La Poste. Une traversée en ballon à pédales : quatre millions de francs (600 000 euros), merci Continent. Et la règle est simple : pour les expéditions comme pour Ushuaia et, dans la foulée, financer la Fondation. Peu importe l’entreprise. On prend l’argent là où il est, même chez les bad guys. Surtout chez eux ! En 1987, c’est Dominique Cantien [productrice d’Ushuaia, et compagne de Nicolas Hulot de 1986 à 1992, p. 47-48] qui s’y colle pour sauver Ushuaia et, dans la foulée, financer la Fondation. “J’ai pas fait cent cinquante entreprises, raconte la productrice. J’ai cherché des pollueurs qui avaient intérêt à entrer dans notre histoire. C’était ma vision. Ça l’est toujours, d’ailleurs. Chercher quelque chose de négatif pour l’amener sur du positif. C’est comme quelqu’un qui travaille chez Orange au milieu de cette terrible vague de suicide en 2009 : il n’est pas très fier. On ne peut pas faire rêver la terre entière avec ses téléphones et avoir des salariés qui se donnent la mort sur leur lieu de travail. Ils auraient beaucoup à gagner dans une opération de sponsoring de ce genre[1] !”

C’est ce qui s’appelle “assumer”. En 1987 donc, Dominique Cantien va voir “ces gens” et leur dit : “Vous avez un problème de positionnement, d’image. Vous êtes perçus comme des pollueurs chimistes. Pourquoi ne pas vous offrir une façon de redorer votre image en interne et en externe en vous associant à quelque chose qui parle d’un monde beau, lointain, nouveau, que les gens d’ici ne connaissent pas et qui, en plus, est en danger ? Là, vous devenez utiles !”

Pendant une courte période, l’émission est même vendue aux États-Unis. Pour Rhône-Poulenc, c’est le jackpot, le slogan passe là-bas aussi. “Welcome to a World of Health, Vitality and Hope[2].” “Pour eux, ç’a été formidable, se souvient la productrice, et nous, ça nous a permis de faire l’émission.” Tout le monde est content.

 

[commentaire : quelle excellente définition du greenwashing par ceux-là même qui l’ont inventé !]

 

Dans la foulée, Nicolas négocie la même chose pour la Fondation. Et ainsi de suite avec les autres partenaires des débuts. Etre avec  eux plutôt que contre eux. À l’intérieur, plutôt qu’à l’extérieur. Une fois qu’on y est, les contraindre à évoluer. La stratégie du cheval de Troie. »

 

[commentaire : si le 29 mars 2011, soit trois semaines après l’accident de Fukushima, lorsqu’il rencontre le pdg d’EDF Henri Proglio, Nicolas Hulot ne lui demande pas de sortir rapidement du nucléaire pour épargner à la France un semblable accident, mais de continuer à financer sa Fondation pour « sauver 40 emplois », la question se pose de savoir qui est le cheval de Troie de qui ?]



[1] Entretien de Bérengère Bonte avec Dominique Cantien le 22 octobre 2009.

[2] « Bienvenue dans un monde de santé, de vitalité et d’espoir. »

 

Pour se soustraire à mes questions qui le mettaient visiblement mal à l’aise, Nicolas Hulot m’a infligé une leçon de savoir-vivre (“La première des choses, c’est de se présenter” ; “Quand on vous dit qu’on mange, la moindre des choses, c’est de respecter”, cf. interview ci-dessus). Je ne suis pas la seule à avoir subi un tel traitement. L’humoriste Stéphane Guillon a été traité de la même façon après sa chronique du 6 octobre 2009 sur France Inter, à l’occasion de la sortie du film de Nicolas Hulot Le syndrome du Titanic.

 L’humoriste Stéphane Guillon étrille l’écologiste Nicolas Hulot

 

Voici le commentaire cinglant de Nicolas Hulot concernant la prestation de Stéphane Guillon, publié par le Journal du Dimanche le 12 octobre 2009 :

http://www.lejdd.fr/Medias/Radio/Actualite/La-reponse-de-hulot-a-guillon-1410421

 

Rien de tout cela, évidemment, ne figure sur le site de campagne du candidat Hulot http://www.2012hulot.fr

Bien au contraire, à l’entendre, ce serait grâce à lui que l’écologie « décolle » en France :

Écouter sa prestation sur France Bleu à Grenoble, le 19 mai 2011, en ligne sur son site de campagne :

 

Pourtant, depuis 2007, les scores des écologistes aux élections en France sont inversement proportionnels à l’implication de Nicolas Hulot dans le paysage politique (source : Sain Nicolas de Bérengère Bonte, p. 162-163, 167-179, 296-297, 305) :

  • Présidentielle de 2007 :
    Hulot est omniprésent avec son Pacte écologique
    (Score des Verts : 1,5 %, le plus faible score historique)

  • Européennes, 7 juin 2009 :
    Hulot, en retrait, affirme qu’il « ne peut pas » soutenir les candidatures écologistes
    (Score Europe Ecologie : 16,8 %, le plus élevé score historique)

  • Régionales, 14 mars 2010 :
    Hulot est en année sabbatique suite à l’échec de son film en octobre 2009 et à l’abandon de la taxe carbone
    (Score Europe Ecologie – Les Verts : 12,2 %)

 

En Allemagne, où Nicolas Hulot n’a jamais sévi (ni servi les intérêts des nucléaristes), 160 000 personnes sont descendues dans la rue le 28 mai 2011 pour réaffirmer leur opposition au nucléaire, alors même que la sortie du nucléaire en Allemagne était déjà actée pour 2020-2021 –dans dix ans !– par la Chancelière Angela Merkel. Et les scores des Verts allemands caracolent tellement qu’ils gagnent des élections en 2011 !

 

Conclusion : les sondages qui le placent en tête des candidatures écolos devraient être considérés avec circonspection : ceux qui aiment Nicolas Hulot ne votent pas écolo et quand les écolos s’allient avec Hulot ils dévissent aux élections. Dans les faits, là où Nicolas Hulot passe, l’écologie politique trépasse…

 

Ils ont dit...

C’est le changement climatique qui s’attaque au nucléaire et non l’inverse.
Sortir du nucléaire dans un délai raisonnable est déraisonnable.

— Stéphane Lhomme.

Nicolas Hulot appelle de ses vœux la tenue d’un débat national, d’un référendum sur le nucléaire. « On ne peut pas mettre le sort de l’humanité dans une vulgaire et tragique roulette russe ! » a-t-il déclaré sur France Inter, 48 h après la première explosion à la centrale nucléaire de Fukushima. (Le Point, 17 mars 2011, p. 40)

S’il y a un « écolo » qui est bien placé pour faire avancer les choses, c’est effectivement lui. Mais pour cela, il n’a nullement besoin de se présenter aux élections présidentielles sous l’étiquette Europe Ecologie-Les Verts ou de se livrer à des gesticulations médiatiques. EDF est, depuis l’origine, mécène de sa fondation. Et Nicolas Hulot ne peut ignorer qu’EDF est le véritable décideur de la politique énergétique française. Il lui suffit donc, dès aujourd’hui, de convoquer ses amis et sponsors pour les convaincre directement de changer de braquet sur le nucléaire…

 

Risque nucléaire : et la France ?

Nucléaire et sécheresse

Feu nucléaire sur le Japon

 

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